On continue notre série Pot flânage. Ensemble, on va faire le tour des nouvelles et sujets d’intérêts dans l’univers du cannabis. Beaucoup de choses à partager avec vous. Et comme on vient tout juste de célébrer le 4e anniversaire de la légalisation canadienne, l’occasion est parfaite pour faire la démonstration que rien n’est simple et que l’acceptabilité sociale du cannabis est toujours assez faible au Québec. Plus faible que dans le reste du Canada. On ne va quand même pas se comparer à la France ou à la Belgique. Donc je commence avec un article de la journaliste Stéphanie Marin du journal Le Devoir publié le dimanche 23 octobre 2022. Le titre du papier ne laisse aucune place à l’ambigüité :

Le cannabis toujours un obstacle potentiel pour avoir la garde des enfants

Signe des temps, le cannabis est beaucoup plus présent dans les dossiers de droit de la famille. Et les tests de dépistage requis par les juges sont assez fréquents, semble-t-il.

Évidemment, nous allons discuter de plusieurs autres sujets!

  • Un policier à la tête de la plus grande entreprise de pot au monde
  • Leafy supprime 21 % de son personnel
  • Un producteur autorisé veut vendre du pot d’extérieur à 20 $/g
  • La Colombie-Britannique manque d’eau pour le cannabis
  • Et plus! 

Bonne écoute.

Liens pour l’épisode #124

INTRO THÈME toPot (bruits de porte, etc.)

Vous êtes sur les ondes de ToPot… votre podcast en français sur la science, l’industrie et la consommation du cannabis. Mon nom est Luc Prévost et j’ai le plaisir de vous recevoir dans un cannabistrot virtuel, le toPot.    

Bienvenue chez vous! 

Mise en garde (en accéléré…)

toPot ne donne aucun conseil. Consultez votre médecin, votre pharmacien, votre avocat, votre journaliste préféré, le législateur, votre député ou la personne de science de votre choix. Aucun des auteurs, contributeurs, commanditaires, administrateurs ou toute autre personne liée à toPot, de quelque manière que ce soit, ne peut être responsable de votre utilisation de l’information contenue dans le podcast. 

Segment 0 h

Vous allez bien? Le chanvre est bon par chez vous?

On continue notre série Pot flânage. Ensemble, on va faire le tour des nouvelles et sujets d’intérêts dans l’univers du cannabis. Beaucoup de choses à partager avec vous. Et comme on vient tout juste de célébrer le 4e anniversaire de la légalisation canadienne, l’occasion est parfaite pour faire la démonstration que rien n’est simple et que l’acceptabilité sociale du cannabis est toujours assez faible au Québec. Plus faible que dans le reste du Canada. On ne va quand même pas se comparer à la France ou à la Belgique. Donc je commence avec un article de la journaliste Stéphanie Marin du journal Le Devoir publié le dimanche 23 octobre 2022. Le titre du papier ne laisse aucune place à l’ambigüité :

Le cannabis toujours un obstacle potentiel pour avoir la garde des enfants

Voici texto le premier paragraphe :

Le cannabis récréatif est légal depuis quatre ans, mais sa consommation peut toujours être un obstacle pour un parent qui veut obtenir la garde de ses enfants ou exercer ses droits d’accès. La jurisprudence rendue ces dernières années au Québec met en garde contre la «banalisation» du cannabis, rapporte une experte en droit familial.

Au cœur de l’article, on retrouve le témoignage de l’avocate Élisabeth Jutras, une spécialiste du droit familial. La dame a exploré les 4 dernières années de jurisprudence et sa conclusion est simple. 

«… ce n’est pas parce que c’est devenu légal que c’est devenu pour autant banal»

Signe des temps, le cannabis est beaucoup plus présent dans les dossiers de droit de la famille. Et les tests de dépistage requis par les juges sont assez fréquents, semble-t-il.

La consommation quotidienne peut rapidement devenir un obstacle à la garde des enfants. Si votre bat de l’aile, ce n’est pas le temps de montrer votre consommation sur les réseaux sociaux. Votre compte FB intéresse la partie adverse, c’est sur. Et prétendre que vous ne fumez pas devant vos enfants est une mauvaise défense.  

OK.

Vous le savez, quand je suis au comptoir du toPot, je commence toujours par un café.

Et MJ, Salut, tu vas bien?

Mon habituel avec un verre d’eau STP.

Merci. Mon habituel, c’est un double expresso avec triple dose de CBD…

Si vous êtes un voyageur fréquent sur toPot, vous savez que je viens de lancer un magazine en ligne qui s’appelle Bon Stock. Pourquoi? Parce que ce média nous permet de rejoindre d’autres groupes sociodémographiques. Le fait de pivoter permet de progresser et devenir un média profitable économiquement. C’est le but. 

L’actualité nous a donné un bel exemple cette semaine de pivotement. Vous connaissez Leafy?

Voici comment Leafy se présente sur son site web :

Leafly est la destination la plus fiable au monde pour découvrir les produits du cannabis et les commander auprès de détaillants légaux et autorisés. Plus de 100 millions de personnes visitent Leafly chaque année pour en savoir plus sur le cannabis et commander en ligne auprès de commerces locaux. 

Et bien malgré 100 millions de visiteurs par année, Leafy vient d’annoncer il y a quelques jours que la société allait supprimer 21 % de son personnel (56 personnes). Bien sûr Leafy veut «améliorer les performances opérationnelles». 

Yoko Miyashita, la PDG, affirmait ceci dans un communiqué de presse.

Pour l’instant, Leafy fait de l’argent en vendant des abonnements mensuels aux vendeurs de cannabis. L’abonnement offre une présence sur la plateforme en plus de fournir des outils de commerce électronique. Malgré une hausse de ses revenus, l’achalandage mensuel a chuté de plus de 25 % et le nombre d’abonnements payant à diminuer de 3 %. Le service est peut-être excellent, mais les données des habitudes de consommation appartiennent à Leafy. Or ces données sont le nerf de la guerre et les producteurs de cannabis qui veulent survivre ont besoin de ces données. 

Et c’est là que Leafy a décidé de pivoter en s’associant à Uber pour livrer du cannabis à Toronto. L’opération a fait du bruit, car c’est la première fois qu’une grosse plateforme de livraison se greffe à l’industrie de cannabis. Évidemment Leafy va extraire des données précieuses de ses nouvelles activités. À suivre donc…

Hey Merci MJ!

Si une plateforme comme Leafly qui accueille 100 millions de visiteurs par année à des problèmes financiers alors qu’elle ne prend aucun risque de production, on peut imaginer l’état de l’industrie de la production et l’anniversaire de la légalisation canadienne à laisser un gout amer à plusieurs producteurs autorisés avec qui j’ai discuté la semaine passée.

Et cela m’emmène à vous parler des entreprises qui, inversement, fabriquent de la nouvelle positive. Vous savez le genre d’entreprise qui produit et vend des rapports sur les opportunités dans les différents marchés du cannabis. Alors qu’on ne comprend même pas la portée réelle de la récente amnistie du président Biden aux États-Unis, les producteurs du rapport affirment que le marché mondial du cannabis serait de 169 milliards de dollars US en 2029. Pourquoi une telle croissance? Et bien, on parie sur l’augmentation des maladies chroniques chez les plus de 50 ans et sur le fait que le cannabis pourrait aider à traiter ces maladies. 

Et l’article termine en proposant d’investir dans Cronos à qui le CVMO, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, vient d’imposer des sanctions pour avoir déposé des états financiers inexacts, même après deux révisions. Selon le CVMO, Cronos a gonflé ses revenus de 7,6 millions de dollars pour les trois premiers trimestres en 2019. Cronos aurait également surévalué ses actifs de 235 millions de dollars US pour le deuxième trimestre 2021.

L’article propose d’autres investissements aussi rigolos. Mais le cas Cronos est particulièrement savoureux quand on sait qu’il faisait un lobbying au Québec pour inciter la SAQ et la SQDC à prendre les mesures nécessaires pour que tous les produits vendus proviennent de producteurs de cannabis certifiés par Santé Canada, qu’il y ait suffisamment d’inspecteurs pour surveiller les détaillants et que le niveau de taxation soit raisonnable pour lutter efficacement contre le marché noir tout en générant des recettes fiscales. 

Comme le dit le journalist Kieran Delamont dans un article intitulé What Do You Do with a Billion Grams of Surplus Weed? publié par le magazine Walrus il y a exactement un an, les achat de cannabis légal en 2020 ont totalisé 2,6 milliards de dollars alors que les spécialistes de la Banque CIBC estimaient en 2018 le marché de 2020 à plus de 6,5 milliards. Jusque une erreur de 4 milliards. 

Ce genre d’articles fait toujours miroiter le rêve allemand qui permettrait aux producteurs autorisés canadiens de se refaire une santé financière en soignant leurs citoyens. 

Il y a quelques semaines, la compagnie Tilray se vantait d’avoir eu une rencontre avec des officiels Allemands qui lui réservait une belle place dans le futur processus de légalisation.

La réponse des autorités allemandes n’a pas tardé.

«Le contenu du communiqué de presse n’est tout simplement pas correct. Nous ne minimisons pas la réunion, car il n’y a pas de coopération et il n’y en aura pas non plus avec Tilray. À aucun niveau pour être clair».

Cette forme d’aveuglement volontaire peut durer un certain temps… Mais la date de péremption de ce genre de promesse approche à grands pas. En ce qui concerne l’Allemagne, on a appris cette semaine et c’est le ministère de la santé allemand qui s’exprimait, que le marché récréatif pourrait être réservé aux entreprises du pays. Le projet de loi n’est pas encore disponible, mais les autorités semblent vouloir immédiatement rassurer l’industrie allemande du cannabis. Et les producteurs canadiens de cannabis qui voudraient se plaindre devraient commencer par exiger que les importations de la Colombie et du Portugal soient autorisées au Canada. Le premier producteur canadien qui va oser dire cela n’aura plus d’amis dans l’industrie qui est très heureuse de pouvoir exporter sans offrir la réciprocité. Pourtant, cela serait certainement une bonne façon de défier le marché noir avec des prix incroyables. Mais c’est une saga pour une autre fois. 

Puisque l’on parle de l’industrie, vous avez vu passer les reportages de Radio-Canada sur les ravages de l’environnement causé par la production du cannabis. ToPot a couvert ça il y a plusieurs mois. Par contre, j’ai vu un truc nouveau cette semaine. Pas au Canada, mais assez proche pour que les signaux d’alerte apparaissent jusqu’au Québec. Cela se passe en Orégon ou la livre de pot se vend à moins de 100 $ à certaines périodes de l’année. L’Orégon s’est doté de nouvelles lois sur la consommation de l’eau et le OWRD, l’Oregon Water Resources Department visite et inspecte, sans avertissement, tous les producteurs autorisés de cannabis et de chanvre. Les PA doivent fournir des documents pour justifier leur consommation d’eau… L’eau est achetée de différents fournisseurs et la loi 4061, c’est son nom, exige que les acheteurs puissent fournir les documents suivants :

  1. La date et le lieu de l’achat
  2. La date à laquelle l’eau est livrée
  3. Le nom et les coordonnées de la personne à qui l’eau sera livrée et la date de la livraison
  4. La quantité d’eau
  5. L’utilisation prévue de l’eau, y compris le type d’installation pour lequel l’eau est destinée à être utilisée
  6. L’endroit où l’eau est utilisée

Les vendeurs d’eau sont également soumis une tenue de livre rigoureuse. Le OWRD vient de recevoir 5 millions de dollars US du programme Oregon Illegal Marijuana Market Enforcement Grant Program. La Californie a arraché un million de plants de cannabis sur son territoire dans les 3-4 derniers mois. Au Canada, j’ai écrit sur le sujet dans Bon Stock, la GRC vient de libérer plusieurs ressortissants mexicains de l’emprise du crime organisé en Ontario. Ce qui est nouveau est la fois que le consulat mexicain à Toronto a formellement évoqué qu’il pourrait s’agir, dans ce cas précis, d’esclavagisme. Dans le cadre d’une large opération policière conjointe, le Project Gateway, c’est le nom de l’opération, le projet Gateway a donc permis la saisie de 20 000 livres de cannabis transformé d’une valeur de 62 millions de dollars. Ça commence à faire beaucoup de stock…

L’industrie du cannabis tente de s’organiser au Canada et aux États-Unis. C’est très bien. Mais la compétition légitime s’organise aussi et je ne pense pas à de possibles exportations de la Belgique ou du grand duché du Luxembourg.

Je pense plus à Mary Jane Oatman qui est une autochtone de la tribu Nez Perce dans l’Idaho et la toute nouvelle directrice générale de l’Indigenous Cannabis Industry Association (ICIA). Mme Oatman déclarait récemment : 

«Une véritable histoire de la plante contribuera à faciliter la vérité et la réconciliation pour nos communautés indigènes, afin qu’elles puissent se réapproprier la guérison et le sacrement de la plante». 

Cette déclaration est intéressante pour plusieurs raisons. Je ne referai pas le panorama du cannabis autochtone au Canada. Les curieuses peuvent consulter l’épisode #104 intitulé C’est quoi le marché autochtone du cannabis? La situation est complexe et ne se réduit pas à interdire certains commerces comme le suggèrent quelques producteurs autorisés. 

Il y a aux États-Unis 574 tribus amérindiennes reconnues qui s’intéressent de nouveau aux vertus médicales du cannabis. Leur arrivée dans le marché pourrait avoir des effets très positifs en ce qui concerne l’environnement. Sans se livrer à un exposé anthropologique, cela sera une saga pour une autre fois, la séparation de l’humain et de la nature comme une simple ressource à exploiter est vécue différemment dans d’autres cultures. L’industrie du cannabis est encore trop fragile pour oser remettre en cause les dégâts qu’elle cause par ses pratiques. À défaut d’espérer quoi que ce soit, je nous souhaite collectivement cette chance. 

IL est quelle heure? Oh c’est l’heure. Et MJ Merci beaucoup! Bonne semaine. 

OK, j’ai le temps de vous parler d’une nouvelle qui semble récurrent comme le jour de la marmotte. Je parle de l’histoire de policiers qui deviennent PDG d’entreprises de cannabis. Au Québec, l’ex-chef du SPVM, M. Yvan Delorme, est devenu le PDG de QcGoldtech. J’ai parlé de cette entreprise sur Bon Stock et comment le PDG a aussi perturbé gentiment la paix industrielle dans l’industrie du cannabis en prenant a parti la SQDC. En toute gentillesse, évidemment. Certaines instances représentatives de l’industrie n’ont pas vraiment apprécié.

Cette fois, je vous parle de l’aventure de Kyle Kazan, un policier de Los Angeles sur sa poitrine qui pensait qu’il allait pouvoir aider à sauver la vie des bons contre les méchants… M. Kazan est devenu le PDG du groupe Glasshouse, la plus grande entreprise légale de cannabis au monde selon l’article publié dans CannabisTech. Et oui, déjà le championnat du monde de la plus grosse entreprise de cannabis n’appartient plus au Canada… Et évidemment, cela n’a aucune importance dans cette histoire. 

L’ex policier reconnait avoir fait son quota d’arrestation pour possession simple de cannabis, il a également affronté des gangs armés et procédés à l’arrestation de pédophiles. 

Puis un jour il a réalisé qu’il n’avait que des menottes et son arme pour aider les gens qu’ils rencontraient dans son travail. Alors qu’un de ses informateurs lui demandait de l’aider à faire une cure de désintoxication, Kyla Kazan a eu son moment de révélation :

J’ai réalisé que je faisais plus de mal que de bien, et que c’était un mauvais investissement pour la société. 

Sa propre famille lui en a voulu quand il a commencé à discuter publiquement de dépénaliser le cannabis et d’autres drogues.

Comme pour Delorme au Québec, Kazan doit affronter beaucoup de critiques qui sont au minimum très très très négative. Dans le meilleur des cas. Quand il est devenu policier, il a admis avoir consommé du cannabis plus jeune et il a dû passer un test au détecteur de mensonges pour obtenir son job.

Le PDG de Glasshouse dénonce l’hypocrisie des lois sur le cannabis aux États-Unis et il croit qu’elles sont la raison de la méfiance de la population envers la police.

Je suis le PDG d’une entreprise avec six-millions de pieds carrés de serre. Techniquement, je devrais être en prison.

Je dois vous avouer que cette entrevue me donne le gout de suivre de plus près cette entreprise.

OK. J’ai le temps pour une dernière remarque. Un PA m’a envoyé un p’tit mot sur LinkedIn pour me dire de regarder un reportage sur l’état de l’industrie dans le cadre de l’anniversaire de la légalisation. C’est un des seuls moments de l’année où les grands médias font de vrais reportages sur le cannabis. Et le reportage se déroulait dans une autre province.

Je dois avouer avoir rigolé et avoir été triste en même temps. 

J’ai vu le PDG d’une entreprise dire qu’il fallait absolument s’attaquer au marché noir et gris du cannabis avec plus de force et d’opiniâtreté. Opiniâtreté comme dans obstination, constance, détermination, fermeté, acharnement, entêtement, volonté, persistance, insistance… Voyez le genre.

C’est une opinion respectable.

Tout va bien. 

Le monsieur a le droit d’être plus ou moins bien renseigné. 

Là où ça devient ridicule, c’est quand il discute ouvertement de son produit. Le gars fait du pot de terroir. J’adore. Une sorte de culture hydrique ou les plants peuvent profiter du soleil et être protégés de la pluie. Génial.

Le PA termine l’entrevue en disant que dans son plan d’affaires, il prévoyait vendre son cannabis 20 $ le gramme. 20 $ le gramme. Peut-être. Dans une réalité alternative. 

Et il affirme qu’il ne peut pas compétitionner contre le marché noir qui vendrait des produits similaires à 8 $ le gramme.

Un reportage diffusé à une heure de grande écoute. 

Un membre de l’industrie assez important pour être interviewé par un média national affirme que le marché noir vendrait une once de cannabis d’extérieur à 224 $.

Est-ce vraiment raisonnable?

Et voilà, c’était le 124e épisode de toPot.

Questions, commentaires, critiques, n’hésitez pas à m’écrire : lucprevost@hotmail.com. 

Je vous remercie pour votre écoute, vos partages et vos suggestions.

Allez! 

Bonne semaine. 

Beaucoup de bienêtre. 

Et bon chanvre!

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