Statistique Canada publie sans faute, mois après mois, des chiffres sur les ventes de l’industrie du cannabis au Canada. Et que nous apprennent les derniers chiffres de StatCan? Pour le mois d’aout 2022, les ventes ont augmentées de 0,22 % comparé au mois de juillet précédent. Cela peut sembler être une croissance anémique. Nous y reviendrons.

Alors, comment interpréter ces chiffres province par province? Cela va faire mal aux amoureux du cannabis qui croient que tout privatiser est la solution… Pourquoi? Et bien, ce sont les provinces sous le «joug des monopoles» qui se débrouillent le mieux. 

Et oui, cela force à réfléchir :

  • Terre-Neuve-et-Labrador : 6,2 millions de dollars (+10 % par rapport à juillet).
  •  ÃŽle-du-Prince-Édouard : 2,1 millions (+3 %)
  •  Nouvelle-Écosse : 9,4 millions (+5 %). 
  • Nouveau-Brunswick : 7,16 millions (- 0,15 %)

La seule province qui fait mieux que Terre-Neuve-et-Labrador (public pour la vente en ligne) est la Colombie-Britannique. 

Les moins bons résultats de l’industrie du cannabis

  • Le Manitoba connait une baisse de 10 %. 
  • L’Ontario limite la casse avec une baisse de 2 %.
  • Les ventes en Alberta reculent de 3 %.

Le Québec?

Avec des ventes de 51 millions de dollars, le Québec connait une petite hausse de 2 %. Les experts argüeront que l’Ontario a connu une cyberattaque qui a nui à la vente et à la distribution. Ils ont raison.

Les chiffres parlent. Bon Stock écrit.

Ce que les chiffres ne disent pas à voix haute, c’est l’origine du déclin des ventes de cannabis. Malgré des milliards de points de vente, les grands marchés urbains régressent. Calgary, Edmonton, Gatineau, Ottawa et Winnipeg ont tous connu un recul de leurs ventes. 

Avec le monopole de la SQDC, Québec (+1 %) et Montréal (+2 %) connaissent de modestes hausses, mais des hausses tout de même. Vancouver domine les marchés urbains du Canada avec une hausse de 3 %. La croissance ne serait donc pas uniquement tributaire du nombre de points de vente. 

Ces performances doivent être appréciées dans un contexte plus large où les ventes canadiennes dans leur entièreté (364 millions de dollars) ont progressé de seulement 0,22 %. Il y a malgré tout une bonne raison de se réjouir. C’est le sixième mois consécutif où Statistique Canada enregistre des gains. Il s’agit d’une hausse totale de 13 % pour la première moitié de l’année si on compare ces chiffres à ceux de 2021.

Le dynamisme des monopoles

Selon la plupart des sondages, les facteurs les plus importants pour acheter dans un point de vente physique sont les prix ou les promotions en cours, l’emplacement du point de vente, la qualité des produits et la disponibilité de marques spécifiques. L’importance de ces facteurs fluctue au fil des mois, mais ce sont les plus importants et de loin.

Si on revient à notre palmarès des provinces les plus dynamiques, nous avons statistiquement déterminé que les monopoles se débrouillent très bien. Si on prend l’exemple de la SQDC au Québec, il faut exclure la bataille des prix et toutes les promotions qui sont formellement interdites par le législateur. Dans ce contexte, le monopole québécois doit se battre avec une main attachée dans le dos si on compare sa marge de manÅ“uvre inexistante pour attirer les consommateurs face à des marchés illicites de plus en plus agressifs. 

Le marché noir célèbre aussi l’Halloween

À Toronto, pour l’Halloween, des points de vente illicites offraient des friandises sans cannabis aux enfants. Sans doute une opération de marketing qui visait les jeunes familles, un des profils sociodémographiques privilégiés par l’industrie :

  • Adultes 25 – 44 ans.
  • Taille du ménage : 3+ personnes.
  • Caractéristique principale : une forte diversité culturelle. 

Tout cela ne veut pas dire que le Québec ne pourrait pas vendre davantage de cannabis. Cela prouve uniquement que l’industrie et les consommateurs doivent réfléchir aux avantages de la vente en ligne. (Amazon nous le rappelle à tous les jours en innovant. L’entreprise offre maintenant de cueillir gratuitement à la maison les retours.)  Pour en savoir plus sur la consommation au Québec, les curieuses pourront lire l’article de Bon Stock intitulé Évolution de la consommation du cannabis au Québec

Plus largement, quand les boutiques de pot font disparaitre les dépanneurs et autres commerces d’alimentation de proximité comme c’est actuellement le cas, le législateur crée de nouveaux risques pour la société qu’il doit normalement protéger. 

On achève bien les chevaux

L’industrie canadienne du cannabis tente de convaincre le gouvernement fédéral que la taxe d’accise est mal pensé. Pourquoi pas. Mais contemplons une seconde le sort qui est réservé aux investisseurs qui osent ouvrir des points de vente privée… Eux aussi font partie de l’industrie du cannabis. En Alberta, et c’est Radio-Canada qui l’affirme, le nombre de magasins de cannabis atteint un niveau potentiellement insoutenable. Les médias spécialisés annoncent des fermetures depuis la fin de 2020. Aucune des provinces qui permettent les points de vente privée ne se soucie pas du sort de ces investisseurs. En fait, dans certaines provinces, l’Ontario (OCS) vient immédiatement à l’esprit, l’État ose faire compétition à l’industrie en étant à la fois juge et partie. Voici ce que le Toronto Sun disait il y a quelques jours :

Les détaillants accusent l’OCS d’appliquer une marge de plus de 30 % alors qu’il est à la fois un détaillant en ligne et le grossiste monopolistique du gouvernement. Il est étrange que l’industrie du cannabis s’inquiète de voir le gouvernement prendre 30 % alors que pour l’alcool, la marge est de 50 % et plus pour les produits vendus par la LCBO.

Brian Lilley

Dans un article récent sur Bon Stock, nous avons proposé la création d’un front commun avec tous les acteurs de l’industrie de l’alcool et du cannabis. Il est impossible que le gouvernement accorde à un groupe ce qu’il refuse à un autre. Théoriquement! 😉

Ils étaient au courant!

Quand on évoque les faillites et fermetures des points de vente privés, on entend souvent des membres de l’industrie dire que ces gens-là savaient dans quoi ils s’embarquaient. C’est aussi ce que l’on dit des boursicoteurs qui ont tout perdu en investissant leur épargne dans les grandes entreprises canadiennes du cannabis. Le danger de ce discours est qu’il peut aussi s’appliquer aux producteurs autorisés (PA). Et les PA ont encore moins d’excuses, car ils ont dû passer à travers un long parcours si complexe, que la plupart se sont offert les services de spécialistes pour obtenir leur licence de production de Santé Canada. En pratique, les PA sont les membres de l’industrie canadienne du cannabis les plus informés des dangers de leurs investissements.

Des changements nécessaires

Faut-il changer la Loi sur le cannabis? OUI!

Faut-il aider les PA? OUI!

Mais pas n’importe comment. Après tout, les consommateurs sont aussi les contribuables. 

Et la SQDC? Ce n’est pas elle qui a élu la CAQ.

Ce sont les Québécoises et les Québécois.

Pourrait-elle améliorer la qualité de ses services? OUI!

Devrait-elle mieux écouter l’industrie? OUI!

Fédéralisme et capitalisme

Et au niveau fédéral, est-ce le moment de demander un moratoire sur l’octroi des licences de production et de transformation? Dans une économie capitaliste, cela n’a aucun sens. On ne peut priver les citoyens du droit d’entreprendre. C’est pour cette raison qu’apparaissent, semaine après semaine, de nouveaux PA détenteurs de licences de production dans un marché qui est en surproduction depuis au moins 3 ans. C’est leur droit de tout risquer. C’est aussi leur droit de vouloir rivaliser avec les arrivants de la première heure.

Pour remettre en cause le capitalisme, il faut aller aux États-Unis… Dans plusieurs marchés très développés comme le Michigan, l’Oregon et le Colorado, les PA réclament l’arrêt de l’octroi de licence de production. En Oregon où la livre peut se vendre 100 $ US après le Croptober, une demande formelle a été soumise à l’Oregon Liquor and Cannabis Commission (OLCC) pour suspendre l’octroi de licences jusqu’au 31 mars 2024.

La main invisible du marché

Évidemment, d’autres acteurs de l’industrie américaine disent qu’il faut laisser décider la main invisible du marché.

Alors pour le Québec, quelles sont les pistes à suivre pour donner un répit à l’industrie? Est-ce que la CAQ, un gouvernement de «deal makers» selon le premier ministre Legault, serait ouvert à une négociation? Et si la SQDC rétrocédait une partie de ses profits aux producteurs autorisés? On pourrait enfin savoir précisément à quoi servent les bénéfices de la société d’État.

Mais existe-t-il un problème pour le gouvernement actuel et tous les autres partis politiques? 

La SQDC fait des profits. 
Enfin un service payant.

MJBizDaily. « Cannabis Growers in Mature Markets Call for License Moratorium amid Falling Prices », 31 octobre 2022. https://mjbizdaily.com/cannabis-growers-call-for-license-moratorium-amid-falling-prices/.

George-Cosh, David. « Expect some Ontario pot stores to close in 2022: Analyst - Article ». BNN, 3 novembre 2021. https://www.bnnbloomberg.ca/expect-some-ontario-pot-stores-to-close-in-2022-analyst-1.1676626.

« Modest Retail Sales Growth in August | Cannabis Retailer ». Consulté le 2 novembre 2022. https://cannabisretailer.ca/2022/modest-retail-sales-growth-in-august/.

Myers, Cheryl, et Stephanie Clark. « PERMANENT ADMINISTRATIVE ORDER », s. d., 2.

News ·, Bryan Labby · CBC. « The Number of Pot Stores in Alberta Reaches a Potentially Unsustainable High | CBC News ». CBC, 12 septembre 2022. https://www.cbc.ca/news/canada/calgary/alberta-cannabis-retail-oversaturation-1.6577520.

« QuantAA - Quantitative Assessment and Analysis - Alternative Forms of Cannabis Taxes ». Consulté le 28 octobre 2022. https://quantaa.com/blog/570-alternative-forms-of-cannabis-taxes.

Staff, MJBizDaily. « Canada’s August Cannabis Sales Growth Limited by Ontario Wholesale Outage ». MJBizDaily (blog), 24 octobre 2022. https://mjbizdaily.com/canada-august-cannabis-sales-growth-limited-by-ontario-wholesale-outage/.

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